Etudiants, gilets jaunes, journalistes, des milliers de manifestants ont protesté ce samedi, place du Trocadéro, à Paris, pour dénoncer la proposition de loi sécurité globale et défendre leurs libertés.
«Loi de sécurité globale : police sans contrôle, population sous contrôle», «Police floutée, peuple en danger», «Cachez ces violences policières que je ne saurais voir»… Les slogans dessinés sur des pancartes ne manquaient pas, samedi après-midi, sur la place du Trocadéro, à Paris, pour dénoncer la proposition de loi sur la «sécurité globale». Des milliers de manifestants côtoyaient gilets jaunes, associations de défense des droits de l’homme, collectifs écolos, et syndicats de journalistes dans un même but : s’opposer fermement à un texte qualifié de «liberticide».
Notamment son article 24, qui réprime la diffusion de l’image d’un policier si elle a pour «but manifeste qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique», voté hier par l’Assemblée nationale. «Pas vu, pas pris», mentionne une autre pancarte, illustrée par le visage flouté d’un policier et tenue par une jeune étudiante flippée. «J’ai beaucoup hésité à venir car j’ai peur des violences, ça me fait beaucoup de peine», explique Nina Wittner, 21 ans.
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Un texte «pipeau»
Un sentiment partagé par beaucoup de jeunes présents. «Venir ici avec la peur au ventre, c’est triste pour la démocratie», se désole Stéphanie Roulin, une tatoueuse de 23 ans. Mais on y est obligés, pour nos droits : une fois que tous les articles seront votés, ce sera trop tard, c’est maintenant qu’il faut agir». Elle dénonce un texte «pipeau». «Ma mère est policière, des lois pour protéger la vie privée des policiers, il en existe déjà», tonne la jeune femme.
«Plus d’images, plus de preuves : finalement cette loi c’est une manière de faire disparaître la répression policière, parce que sans images elle n’existe plus», estime Nicolas Borderieux, un étudiant infirmier de 25 ans. «La loi est tellement mal foutue que sur le terrain, les policiers empêcheront de filmer», appuie Sylvie Boitel, membre de la Ligue des droits de l’homme (LDH). «Déjà qu’à l’heure actuelle, on menace de jeter nos téléphones par terre, alors si en plus ils ont la loi avec eux…», s’inquiète Charlotte, 26 ans. Qui regrette que cette mobilisation «n’empêchera probablement pas le gouvernement de voter le texte». Pour elle, «la moindre des choses est de s’y opposer : quand on ne pourra plus rien dire, ils auront gagné.»
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Documenter les violences en manifestation, c’est un combat que connaissent bien les gilets jaunes, venus par centaines samedi. «Sans les vidéos, personne n’aurait jamais su ce qu’il se passait lors des cortèges, les exactions de la police, on aurait jamais pu se défendre», affirme Eliane, 69 ans, militante en gilet jaune «depuis le premier jour». «Je ne comprends même pas qu’on ne soit pas tous dans la rue, c’est une situation dramatique pour nos droits», s’exclame-t-elle.
Convergence
Des mouvements de diverses luttes se sont d’ailleurs mobilisés pour s’opposer à la proposition de loi. «Tout le monde peut filmer la police» ou «Censure policière, dérive autoritaire», scandaient par exemple les militantes féministes de Collage Féminicide Paris. «Cette loi nous met à genoux !» criait quant à elle Pauline Boyer, du mouvement écologiste Alternatiba, invitant les milliers de manifestants à s’agenouiller volontairement sur la place du Trocadéro, en clin d’œil à la posture désormais mondialement connue du footballeur américain noir Colin Kaepernick. «En tant qu’écolos, on fait toujours en sorte, dans nos actions, qu’il y ait des médias pour que tout soit filmé et limiter la violence. Sans cela, j’ai peur qu’on soit encore moins protégés», affirme Léna Lazare, étudiante, en rappelant que la vidéo du gazage de militants écolos sur le pont de Sully avait fait le tour du monde.
«La police is watching you», lit-on aussi sur une pancarte, en référence au roman 1984 de George Orwell. «La dystopie orwelienne n’est pas loin», ironise Robin, 26 ans, sans emploi. Au-delà de l’article 24, le plus décrié, il dénonce la «surveillance de masse» que permettrait cette loi, en autorisant l’utilisation de drones pour observer la voie publique. Anna Turlet, une étudiante de 21 ans, s’inquiète de son côté de l’article 21 de la proposition : «Avec l’utilisation des images des caméras piéton, et en limitant celles des manifestants, la police sera la seule à pouvoir informer.» Le texte a même précipité de nouveaux protestataires dans la rue : Amande, une jeune fille de 18 ans confie : «Je ne vais jamais en manifestation, mais là, j’ai l’impression qu’on m’a coupé toutes mes libertés d’un coup.»
En début de soirée, des heurts ont éclaté avec les forces de l’ordre, entraînant plusieurs interpellations. Le canon à eau a été utilisé pour disperser une poignée de manifestants en train d’incendier des poubelles. Une soixantaine de journalistes ont en outre été nassés au centre de la place du Trocadéro, à l'écart d'une autre nasse, encerclant, elle, des personnes issues du cortège.
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